Ville de Nagoya, aujourd’hui.
Le soleil était assez haut dans le ciel pour une journée du mois d’avril se dit Kiusuke en levant les yeux. Sa chaleur lui réchauffait le visage. Il ferma les paupières et se laissa caresser par les rayons du soleil. Il sourit.
Une légère brise le sortit de sa rêverie. Il était temps de se remettre en route. Rajustant le col de sa veste, il marcha d’un pas décidé. Se trouvant à l’entrée du parc de Tsuruma, il jeta un coup d’œil rapide à sa montre. 14h00. Il avait 30 minutes pour trouver le point de rendez-vous qu’ils s’étaient fixé. Aucun problème. Il serait en avance. Après tout, il connaissait très bien ce parc pour l’avoir exploré en long et en large dans sa jeunesse, à la recherche de je ne sais quel trésor enfoui ou d’un passage secret encore inconnu.
Il regarda de nouveau la montre à son poignet. Aucun problème. Il aura même le temps de flâner en chemin. Il mit les mains dans les poches de son jean, respira profondément, le libérant de toutes les tensions que son corps fin endurait. Il s’avança à la rencontre du portail noir, grand ouvert devant lui, comme s’il lui tendait les bras pour lui dire « Viens ! ». Cette image lui fit décrocher un léger sourire.
Ce parc était le plus populaire et le plus ancien de Nagoya. Avec ses rangées de cerisiers en pleine fleuraison, il était devenu le parc le plus visité de la ville. Il attirait les familles pour un pique-nique du dimanche, les jeunes couples pour une déclaration passionnée sous un cerisier en fleur, il apportait une touche de calme et de sérénité.
Kiusuke marchait d’un pas lent, tournant la tête tantôt à droite, tantôt à gauche pour regarder un groupe d’enfants jouant au bei-goma (1) ou contempler les massifs de fleurs multicolores sur le bord du chemin. Sortant la main gauche de son pantalon, il vérifia une nouvelle fois l’heure qu’il était. 14h20. La brise légère du printemps fraîchement arrivé, vint lui effleurer la nuque, soulevant ses longs cheveux noirs qu’il avait attachés rapidement ce matin. Bon. Tout était encore possible. Il avait fait ce chemin des centaines de fois. 10 minutes étaient largement suffisantes. Il accéléra le pas. Au croisement, il tourna à droite sans même examiner les pancartes affichant les différentes directions. Regardant droit devant lui, il s’activa encore un peu. Tout en continuant son chemin, il lui semblait entendre la course ininterrompue de la trotteuse à son poignet.
« Tic-tac, tic-tac, tic-tac »
(1) Bei-goma : jeu très populaire chez les garçons au Japon. Il consiste à faire tourner une toupie et le vainqueur est celui qui l’a fait tourner le plus longtemps.
Ce compte à rebours incessant le poussait à avancer encore plus vite.
« Est-ce réellement le son du temps qui passe ? Les battements de mon cœur peut-être ? » Se demanda-t-il perplexe, ne pouvant s’empêcher de jeter un coup d’œil furtif à l’objet responsable de son affolement.
Quelques mètres plus loin, un autre croisement.
« Oui, j’y suis presque… Je reconnais cet endroit. N’y avait-il pas, ici, un marchand de glaces à l’époque ? »
Kiusuke s’arrêta, légèrement essoufflé. Se tournant sur lui-même comme pour mieux se situer, examinant les alentours, cherchant désespérément un indice lui prouvant qu’il était sur le bon chemin, c’est alors que le tintement d’une clochette se fit entendre. Il se figea. Des battements irréguliers martelaient ses tempes. Une goutte de sueur perla de son front, descendant lentement dans son cou. Il tourna le visage vers ce bruit métallique et, avec un certain soulagement, vit quelque chose de familier.
- De bonnes glaces, Mesdames, Messieurs, venez acheter mes glaces ! Criait, non sans conviction, un homme aux cheveux poivre et sel.
« Le voilà ! Dieu merci c’est bien par là… »
Rassuré, Kiusuke reprit sa marche. Passant devant le marchand de glace, il lui décrocha un magnifique sourire, que celui-ci lui rendit, comme pour le remercier d’avoir fait une telle apparition. Ayant récupéré son souffle et s’étant calmé, Kiusuke arriva enfin à destination.
A un mètre devant lui, se tenait majestueusement une grande fontaine, appelée par certains « la fontaine du renouveau ». Elle se trouvait au centre d’un petit jardin circulaire, qui, lui, se trouvait entouré de magnifiques cerisiers baissant leurs branches, avec grâce, au plus près du sol comme pour souhaiter la bienvenue à leurs visiteurs.
A chaque fois qu’il venait se promener ici, il se laissait éblouir par ce paysage, comme si c’était la première fois qu’il le voyait. Il se sentait détendu. Il leva les yeux au ciel pour admirer le soleil. Eblouit par sa lumière, il ferma les paupières avec nostalgie et se força à sourire.
« Tic-tac, tic-tac, tic-tac »
Revenant à la réalité par ce son désagréable qui lui avait fait perdre son sang froid précédemment, il parcourut du regard l’endroit où il était afin de vérifier que son rendez-vous n’était pas encore arrivé. Quelques enfants animant la place par leurs rires, un couple de personnes âgées assis sur un banc à l’ombre d’un cerisier, un groupe de jeunes, des lycéens peut-être, discutant sur le rebord de la fontaine… Mais pas de « lui ». Sa montre affichait maintenant 14h40. Sans étonnement, Kiusuke se dirigea vers un banc, en plein soleil, et s’y assit. Avec un geste machinal, il mit la main dans la poche de sa veste et en sortit un paquet de cigarettes déjà bien entamé. De l’autre main, il chercha, à tâtons, un briquet qu’il était sûr de trouver dans une des poches de son jean. L’objet désiré ayant été découvert, il alluma une cigarette, tira une bouffée et expira la fumée avec un air de pur contentement.
Tu n’as toujours pas arrêté, Kiusuke ? Fit une voix rauque dans son dos.
Surpris par cette voix étrangement amicale, il déglutit péniblement sans avoir esquissé un seul geste. Après avoir été sûr que cette voix familière était réellement familière, il se retourna et répondit d’un ton plus sec qu’il ne l’aurait voulu :
Il faut croire que non.
Chapitre 1
Ville de Nagoya, 7 ans auparavant.
Le soleil était assez haut dans le ciel pour une journée du mois d’avril se dit Kiusuke en levant les yeux. Sa chaleur lui réchauffait le visage. Il ferma les paupières et se laissa caresser par les rayons du soleil. Il sourit.
Une légère brise le sortit de sa rêverie. Il était temps de se remettre en route. Rajustant le col de sa veste, il marcha d’un pas décidé. Se trouvant à l’entrée du parc de Tsuruma, il jeta un coup d’œil rapide à sa montre. 14h00. Il avait 30 minutes pour trouver le point de rendez-vous qu’ils s’étaient fixé. Aucun problème. Il serait en avance. Après tout, il connaissait très bien ce parc pour l’avoir exploré en long et en large dans sa jeunesse, à la recherche de je ne sais quel trésor enfoui ou d’un passage secret encore inconnu.
Il regarda de nouveau la montre à son poignet. Aucun problème. Il aura même le temps de flâner en chemin. Il mit les mains dans les poches de son jean, respira profondément, le libérant de toutes les tensions que son corps fin endurait. Il s’avança à la rencontre du portail noir, grand ouvert devant lui, comme s’il lui tendait les bras pour lui dire « Viens ! ». Cette image lui fit décrocher un léger sourire.
Ce parc était le plus populaire et le plus ancien de Nagoya. Avec ses rangées de cerisiers en pleine fleuraison, il était devenu le parc le plus visité de la ville. Il attirait les familles pour un pique-nique du dimanche, les jeunes couples pour une déclaration passionnée sous un cerisier en fleur, il apportait une touche de calme et de sérénité.
Kiusuke marchait d’un pas lent, tournant la tête tantôt à droite, tantôt à gauche pour regarder un groupe d’enfants jouant au bei-goma (1) ou contempler les massifs de fleurs multicolores sur le bord du chemin. Sortant la main gauche de son pantalon, il vérifia une nouvelle fois l’heure qu’il était. 14h20. La brise légère du printemps fraîchement arrivé, vint lui effleurer la nuque, soulevant ses longs cheveux noirs qu’il avait attachés rapidement ce matin. Bon. Tout était encore possible. Il avait fait ce chemin des centaines de fois. 10 minutes étaient largement suffisantes. Il accéléra le pas. Au croisement, il tourna à droite sans même examiner les pancartes affichant les différentes directions. Regardant droit devant lui, il s’activa encore un peu. Tout en continuant son chemin, il lui semblait entendre la course ininterrompue de la trotteuse à son poignet.
« Tic-tac, tic-tac, tic-tac »
(1) Bei-goma : jeu très populaire chez les garçons au Japon. Il consiste à faire tourner une toupie et le vainqueur est celui qui l’a fait tourner le plus longtemps.
Ce compte à rebours incessant le poussait à avancer encore plus vite.
« Est-ce réellement le son du temps qui passe ? Les battements de mon cœur peut-être ? » Se demanda-t-il perplexe, ne pouvant s’empêcher de jeter un coup d’œil furtif à l’objet responsable de son affolement.
Quelques mètres plus loin, un autre croisement.
« Oui, j’y suis presque… Je reconnais cet endroit. N’y avait-il pas, ici, un marchand de glaces à l’époque ? »
Kiusuke s’arrêta, légèrement essoufflé. Se tournant sur lui-même comme pour mieux se situer, examinant les alentours, cherchant désespérément un indice lui prouvant qu’il était sur le bon chemin, c’est alors que le tintement d’une clochette se fit entendre. Il se figea. Des battements irréguliers martelaient ses tempes. Une goutte de sueur perla de son front, descendant lentement dans son cou. Il tourna le visage vers ce bruit métallique et, avec un certain soulagement, vit quelque chose de familier.
- De bonnes glaces, Mesdames, Messieurs, venez acheter mes glaces ! Criait, non sans conviction, un homme aux cheveux poivre et sel.
« Le voilà ! Dieu merci c’est bien par là… »
Rassuré, Kiusuke reprit sa marche. Passant devant le marchand de glace, il lui décrocha un magnifique sourire, que celui-ci lui rendit, comme pour le remercier d’avoir fait une telle apparition. Ayant récupéré son souffle et s’étant calmé, Kiusuke arriva enfin à destination.
A un mètre devant lui, se tenait majestueusement une grande fontaine, appelée par certains « la fontaine du renouveau ». Elle se trouvait au centre d’un petit jardin circulaire, qui, lui, se trouvait entouré de magnifiques cerisiers baissant leurs branches, avec grâce, au plus près du sol comme pour souhaiter la bienvenue à leurs visiteurs.
A chaque fois qu’il venait se promener ici, il se laissait éblouir par ce paysage, comme si c’était la première fois qu’il le voyait. Il se sentait détendu. Il leva les yeux au ciel pour admirer le soleil. Eblouit par sa lumière, il ferma les paupières avec nostalgie et se força à sourire.
« Tic-tac, tic-tac, tic-tac »
Revenant à la réalité par ce son désagréable qui lui avait fait perdre son sang froid précédemment, il parcourut du regard l’endroit où il était afin de vérifier que son rendez-vous n’était pas encore arrivé. Quelques enfants animant la place par leurs rires, un couple de personnes âgées assis sur un banc à l’ombre d’un cerisier, un groupe de jeunes, des lycéens peut-être, discutant sur le rebord de la fontaine… Mais pas de « lui ». Sa montre affichait maintenant 14h40. Sans étonnement, Kiusuke se dirigea vers un banc, en plein soleil, et s’y assit. Avec un geste machinal, il mit la main dans la poche de sa veste et en sortit un paquet de cigarettes déjà bien entamé. De l’autre main, il chercha, à tâtons, un briquet qu’il était sûr de trouver dans une des poches de son jean. L’objet désiré ayant été découvert, il alluma une cigarette, tira une bouffée et expira la fumée avec un air de pur contentement.
Tu n’as toujours pas arrêté, Kiusuke ? Fit une voix rauque dans son dos.
Surpris par cette voix étrangement amicale, il déglutit péniblement sans avoir esquissé un seul geste. Après avoir été sûr que cette voix familière était réellement familière, il se retourna et répondit d’un ton plus sec qu’il ne l’aurait voulu :
Il faut croire que non.
Chapitre 1
Ville de Nagoya, 7 ans auparavant.
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